Ma chevelure, ma couronne : interview de Kenza Bel Kenadil

Kenza : J’ai beaucoup lissé et défrisé mes cheveux étant jeune pour rentrer dans la « norme » du cheveu lisse qui représentait majoritairement les standards de beauté. Quand je suis arrivée à la fac, j’ai rencontré une fille du nom de Malaïka qui se laissait les cheveux 100% naturels bouclés. Elle portait ses cheveux naturels avec une telle fierté que cela m’a clairement impactée sur la perception que j’avais de moi. Ça a été mon déclic. J’ai compris que moi aussi je pouvais avoir des boucles incroyables car je voyais bien que mes racines n’étaient pas lisses mais bien frisées ! J’entends beaucoup « se lisser c’est plus pratique/facile/ rapide » mais pas du tout ! Si on a une bonne routine, c’est plus simple de garder ses cheveux naturels.

Kenza : J’ai commencé à regarder des tutos d’influenceuses américaines en 2016 sur Instagram et YouTube qui permettaient de récupérer ses cheveux très abîmés à cause des lissages et un manque de soins adaptés. J’ai rapidement pris conscience que prendre soin de ses cheveux frisés en France à cette époque c'était très peu accessibles (manque de coiffeurs, de bons produits en grande surface...). J’ai commencé par regarder des recettes de grands-mères, faire des mélanges chez moi... Puis je me suis intéressée aux vertus des plantes, j’ai appris à reconnaître les bons produits. Je suis devenue LA PRO du cheveu dans mon entourage. Par la suite, j’ai partagé mes astuces sur les réseaux sociaux, mon évolution capillaire, mes recettes maison sans imaginer que cela aller devenir par la suite mon métier. J’ai aussi découvert les débuts d’Aroma-zone c’était comme découvrir la caverne d’Ali Baba. Aujourd’hui je porte mes cheveux naturels depuis 7 ans sans avoir retouché à un liseur ou défrisant. J’ai retrouvé une confiance, une estime de moi-même, c’est comme porter une couronne sur ma tête. Alors, j’ai décidé de partager tous mes secrets sur les réseaux sociaux afin que d’autres personnes ressentent la même chose que moi, c’est-à-dire porter fièrement ses cheveux naturels.

Kenza : Comme je disais précédemment, j’ai mis énormément d’années à me réapproprier mes cheveux qui étaient très abîmés parce que je me les lissais sous la pression sociale. J’ai vu beaucoup de personnes se détruire les cheveux mettant en danger leur santé physique et mentale.

Tout ça m’a révoltée et ça m’a donné envie d’aider les autres. C’est ce qui me motive quand je fais des vidéos ! Ce combat a été invisible très longtemps en France.

Je ne veux plus que les générations à venir subissent de la discrimination capillaire. Je ne veux plus qu’on nous touche sans consentement comme des bêtes de foire, des insultes injurieuses dans la sphère scolaire, personnelle ou professionnelle ou de se faire recaler à un entretien d’embauche parce que nos cheveux sont considérés comme « sauvages, sales ou pas professionnels ». C’est déshumanisant. Ce que l’on demande c’est que l’on ne voit plus notre « différence » parce qu’avant d’être rabaissé par nos cheveux, on est une personne avec une sensibilité, des émotions.

Quand je reçois des commentaires comme « vous vous inventez des problèmes », « c’est quoi cette discrimination qui n’existe pas » et bien ça me motive à crier encore plus fort pour représenter les victimes qui n’ont pas de voix. Même si c’est souvent difficile d’être en première ligne.

Kenza : J’ai envie de dire : Sache que tu n’es pas tout.e seul.e e, même si le chemin semble trop difficile, tu te sentiras tellement mieux après. Si tu craques c’est OK, ça arrive, ne te juge pas. Si tu as été victime de discrimination capillaire à l’école, au travail ou dans ta vie personnelle parles-en ! Ne le garde pas pour toi ! Et si tu trouves que mes cheveux me vont bien, dis-toi qu’ils t’iront bien à toi aussi.

Kenza : Merci beaucoup et surtout portez fièrement votre couronne parce que nous sommes uniques, tous les types de cheveux sont incroyables.